Algodystrophie du Sportif (SDRC-1)

La Bobologie au quotidien, aux Editions IRBMS
Algodystrophie (poignets)

C’est en phase chaude que le médecin du sport devra évoquer l’algodystrophie devant une évolution inhabituelle post-traumatique.

L’algodystrophie, ou syndrome douloureux local complexe, ou algoneurodystrophie, survient dans près de 50% des cas suite à un traumatisme quelle que soit la localisation ou son intensité.

On l’appelle aussi : syndrome douloureux régional complexe de type 1 (SDRC). Le SDRC est divisé en deux types, SDRC-I et SDRC-II : les personnes qui n’ont pas de lésion nerveuse confirmée sont considérées comme atteintes de SDRC-I (anciennement connu sous le nom de syndrome algoneurodystrophique) mais dans des cas assez rares, on trouve des troubles de réactions avec ou sans lésions nerveuses dans le SDRC-I assez évoluée.

Sommaire

 

De caractère exceptionnel, il faut toutefois toujours y penser chez un sportif qui présente des douleurs post-traumatiques inhabituelles dans un tableau clinique hors du commun, malgré une bonne prise en charge initiale. Elle touche trois femmes pour un homme avec 20/100 000 sujets/an (chiffre sous-estimé en raison du manque de diagnostic).

Circonstances de survenue de l’algodystrophie

L’élément causal est un traumatisme, une intervention chirurgicale, une immobilisation ou des micro traumatismes.

Les événements traumatiques déclencheurs les plus fréquents sont les fractures, les entorses du membre inférieur et les chirurgies ambulatoires localisées (12%). Il s’agit d’un syndrome assez rare mais plus fréquent chez les femmes que les hommes.

Les signes annonciateurs ou alarmants

Plaintes douloureuses peu conformes à l’évolution habituelle des symptômes associées à des modifications circulatoires et ne répondant pas aux traitements usuels.

Conseil du pro

Devant des signes évolutifs inhabituels, pensez à l’algodystrophie et consultez un médecin qui demandera des examens complémentaires dont une imagerie médicale complète avec radiologie, IRM et scintigraphie osseuse. Car la meilleure prévention passe par une information préalable du sportif avec le repérage immédiat des facteurs de risque dont son état antérieur psycho-émotionnel.

Les critères de diagnostic

  • L’existence d’un événement nociceptif initiateur ou d’une cause d’immobilisation;
  • Une douleur continue, allodynie (stimulus auparavant indolore devenu douloureux) ou hyperalgésie (telle que la douleur est disproportionnée par rapport à tout stimulus déclenchant);
  • L’apparition, à un moment ou un autre, d’un œdème, d’une altération de la vascularisation cutanée ou d’une anomalie de l’activité sudoromotrice dans la zone douloureuse;
  • Ce diagnostic est éliminé par l’existence d’autres états qui pourraient rendre compte par un autre diagnostic du niveau de douleur et d’impotence.

Il est recommandé à tout professionnel de santé d’évoquer une douleur chronique dès lors que les critères de la définition ci-dessus sont retrouvés.

Certains signes cliniques doivent alerter le professionnel :
  • douleur avec une composante anxieuse, dépressive ou autres manifestations psychopathologiques ;
  • douleur résistant à l’analyse clinique et au traitement a priori bien conduit et suivi, conformément aux recommandations en cours ;
  • interprétations ou croyances du patient éloignées des interprétations du médecin concernant la douleur, ses causes, son retentissement ou ses traitements.
Il existe trois sous types :
  1. Troubles vasomoteurs prédominants
  2. Troubles sensitifs prédominants
  3. Tout en même temps dans de nombreuses symptomatologies

L’algodystrophie évolue en 3 phases

C’est en phase chaude que le médecin du sport devra évoquer devant une évolution inhabituelle post-traumatique cette pathologie très spécifique.

Attention des formes cliniques inhabituelles peuvent modifier la succession de ces phases.

1) Phase Chaude

Il s’agit d’une phase inflammatoire qui associe :

  • Une douleur globale articulaire,
  • une limitation fonctionnelle articulaire,
  • des signes inflammatoires vasomoteurs locaux,
  • une hyperesthésie cutanée.

Le début de cette perturbation de type circulatoire vasomoteur peut être immédiat post-opératoire ou survenir en phase de consolidation dans le cadre d’une prise en charge par rééducation fonctionnelle et kinésithérapie.

2) Phase froide

On parlera moins des phases froides ou des phases séquellaires, qui sont de découvertes tardives et qui associent souvent une impotence fonctionnelle étendue en loco-régional, avec une association de type syndrome post-traumatique anxiogène, et l’addition de perturbations psychologiques.

3) Phase de chronicité

Une algodystrophie sur 5 passes en phase invalidante et chronique avec de véritables handicaps et une désocialisation possible mais surtout avec de nombreux problèmes d’ordre psychologiques.

Les étiologies

Toujours y penser permet de retrouver les facteurs favorisants. On se rappelle que tout traumatisme mineur, majeur, quelle que soit l’articulation, quelles que soient les circonstances de survenue, et quel que soit le traitement, peut provoquer le déclenchement d’une algodystrophie.

Les facteurs favorisants sont :

  • Un terrain psychique particulier qui peut paradoxalement être lié à une attitude anxieuse initiale jusqu’au contraire à une attitude d’hyperactivité chez un sportif désirant une guérison plus rapide que d’ordinaire,
  • une immobilisation prolongée,
  • un arrêt de travail concomitant au traumatisme additionnant repos sportif et inoccupation inhabituelle,
  • un non-respect de l’impotence fonctionnelle lors de la prise en charge initiale,
  • une kinésithérapie trop agressive ou au contraire trop lascive,
  • un repos ou un traitement non respecté,
  • mais aussi les migraines, l’asthme, les problèmes menstruels, les neuropathies et la prescription d’IEC…

Toutes les étiologies n’ont aucune valeur si le médecin n’y pense pas systématiquement devant une évolution clinique inhabituelle.

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Examens cliniques de l’algodystrophie

Le sportif consulte souvent, muni d’une « brouette » d’examens complémentaires, tant il a vu de nombreux praticiens, voire frappé à de nombreuses portes de personnes pratiquant l’exercice illégal de la médecine !!!…

Personne n’y a pensé, donc il n’y a pas eu d’examen spécifique pour diagnostiquer cette algodystrophie.

En fonction du type on retrouve :

  • Une douleur intense polymorphe inhabituel de l’ensemble de l’articulation touchée, voire de l’ensemble du membre type « épaule/main ». Il existe une limitation fonctionnelle articulaire avec une raideur segmentaire,
  • une hyperesthésie est retrouvée,
  • des signes locaux, rougeurs, blancheurs, peau fine,
  • un œdème englobe l’articulation douloureuse,
  • une hyper-sudation ou une chaleur anormale par rapport au côté contre-latéral est retrouvée.

Devant ces signes inhabituels, penser à l’algodystrophie, c’est demander des examens complémentaires.

Les examens complémentaires

La radiographie standard

En phase chaude post-traumatique immédiate, les radiographies sont souvent normales. Par contre, au bout d’une évolution plus tardive, de plus de 1 mois, on retrouve des images systématiques et caractéristiques de déminéralisation loco-régionale de type moucheté. Le côté contre-latéral étant normal, on pense à une déminéralisation de type algodystrophie en éliminant
bien entendu les différents diagnostics différentiels (ostéoporose, tumeur osseuse, etc.).

L’échographie

Examen permettant d’éliminer un diagnostic différentiel.

Les examens de choix

Ceux qui permettent d’établir avec certitude l’algoneurodystrophie sont :

La scintigraphie osseuse

Très sensible mais peu spécifique. Pour nous, le recours à cette exploration doit être systématique, tant les signes d’hyperfixation sont évidents. Toutefois, il faut s’aider du contexte clinique pour affirmer l’algodystrophie en cas d’examen négatif à l’inverse se méfier aussi des diagnostics différentiels comme la fracture de fatigue.

L’IRM

Permet certes un diagnostic précoce et rapide en montrant des œdèmes, voir des perturbations fracturaires trabéculaires, mais ces signes peuvent également être non spécifiques et pouvoir évoquer fracture de fatigue, ou périostite.

L’ostéodensitométrie

Afin d’éliminer un syndrome douloureux ostéoporotique.

Le bilan biologique n’est pas indispensable, mais permet d’évoquer un diagnostic différentiel. En tout état de cause, il n’existe pas de perturbation particulière.

La prise en charge de l’algodystrophie

Quand le diagnostic d’algodystrophie ou de SDRC est évoqué avec certitude, il faut informer son patient sportif de la découverte de cette pathologie, en le rassurant et en l’informant que désormais son problème sera résolu. Cette approche psychologique joue un grand rôle dans le contexte clinique.

Le traitement visera alors à reprendre complètement les conduites antérieures avec une modification profonde de la prise en charge par une rééducation fonctionnelle et kinésithérapie  et balnéothérapie en préconisant dès que possible de l’activité physique et de la réathlétisation.

Rééducation et physiothérapie

Elle sera proposée en piscine, afin d’aider à la remobilisation fonctionnelle. On conseillera des séquences régulières d’application de chaleur, suivie de cryothérapie. L’électro-physiothérapie sera conseillée dans un premier temps, avec drainage lymphatique manuel ou mécanique (pressothérapie).

La kinésithérapie sera longue, progressive, dans le respect strict de la non-douleur. Progressivement, on pourra introduire un renforcement musculaire manuel, puis une mobilisation articulaire régionale et loco-régionale. Enfin, un travail proprioceptif et une réadaptation habituelle seront proposés. Le kinésithérapeute devra informer le médecin devant toute évolution soit très lente soit régressive.

La prise en charge

De nombreux traitements sont proposés, mais l’objectif est de supprimer la douleur afin de redonner une amplitude au mouvement de l’articulation ou du membre atteint.

Le protocole de rééducation et physiothérapie

Priorité à la mobilité en diminuant la raideur et l’œdème et en abaissant le seuil de la douleur. Il faut éliminer l’anxiété en abessant le seuil douloureux afin de redonner à la personne atteinte une valorisation de l’estime de soi.

  • En phase chaude la balnéothérapie optimise le résultat thérapeutique.
  • En phase froide il faut pratiquer les étirements afin de lever les contraintes tendino-musculaires associées.
Les bains écossais

Froid et chaud : Surtout en phase chaude.

Le froid ou la cryothérapie comme thérapie non médicamenteuse, pourquoi ?

L’utilisation du froid est connue depuis très longtemps puisque Hippocrate l’utilisait 460 ans avant J.-C. . Ses effets sont bénéfiques sur le syndrome douloureux local complexe grâce à au moins trois de ses propriétés :

  • Antalgique (diminue la douleur).
  • Anti-inflammatoire (lutte contre l’inflammation et l’œdème).
  • Vaso-moteur (stimule la circulation).

Deux articles pour mieux connaitre l’utilisation du froid comme thérapie :

Les bains écossais sont une alternance de bains froid et chaud utilisés en général sur les extrémités des membres (facilité de réalisation) :

  • Eau chaude à 40 °C (+/- 2 °) en fonction de la tolérance.
  • Eau froide à 16 °C (+/- 2°) toujours en fonction de la tolérance.
Le paracétamol et le froid

On luttera d’abord contre la douleur et l’œdème, selon le traitement classique en favorisant le paracétamol et l’application régulière de froid.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

Ils sont déjà largement utilisés avant le diagnostic d’algodystrophie, sont rarement efficaces, même si on utilise leur effet antalgique.

Les corticoïdes

Ils traitent l’inflammation, la douleur et l’œdème, tels que la prednisolone et la méthylprednisolone (principalement utilisés dans les premiers stades du SDRC).

Les bêta-bloquants

L’Avlocardyl® est souvent utilisé, afin d’agir sur la composante anxieuse de l’algoneurodystrophie. Seul, l’efficacité est limitée.

La calcitonine (non consensuel)

C’est le traitement le plus utilisé. Son action est souvent spectaculaire, même si le traitement est quelquefois mal supporté. On utilisera un traitement « d’attaque » sous forme d’injections sous-cutanées quotidiennes en injections lentes, de préférence le soir, avec la prise d’un antiémétique, pendant deux ou trois semaines, puis on continuera en fonction de l’évolution le traitement pendant plus de un mois à dose plus espacée.

Les anxiolytiques et antidépresseurs

Ils peuvent jouer un rôle complémentaire important puisqu’on lutte dans ce cas sur une des causes de l’algodystrophie. Le médecin jugera de l’opportunité de la mise en place d’un vrai traitement en fonction du terrain. L’aide d’un psychiatre ou d’un psychothérapeute peut être utile à ce stade.

L’hypnose

L’hypnose dans le contexte de la douleur chronique, peut être utile pour diminuer l’intensité de la douleur, lever des inhibitions et gérer les émotions.

Les blocs intraveineux régionaux

Réalisés en milieu hospitalier, ils sont souvent utiles en période secondaire vers la transition de la phase fin, lorsque l’on a une extension loco-régionale inquiétante. Ils doivent être réalisés dès l’échec à la prise en charge initiale.

Blocage des nerfs sympathiques

Ils peuvent apporter un soulagement temporaire de la douleur, mais il n’existe aucune preuve publiée d’avantages à long terme. Les blocs sympathiques impliquent l’injection d’un anesthésique à côté de la colonne vertébrale pour bloquer directement l’activité des nerfs sympathiques et améliorer la circulation sanguine.

Les traitements émergents pour le SDRC

► Source : https://www.ninds.nih.gov/

  • Immunoglobuline intraveineuse (IgIV) : des chercheurs britanniques rapportent qu’une faible dose d’IgIV a réduit l’intensité de la douleur dans un petit essai de 6 à 30 mois avec 13 patients atteints de SDRC qui n’ont pas bien répondu à d’autres traitements. Ceux qui ont reçu des IgIV ont eu une plus grande diminution de l’échelle de la douleur que ceux qui ont reçu une solution saline pendant les 14 jours suivant la perfusion.
  • Kétamine : les chercheurs utilisent de faibles doses de kétamine, un anesthésique puissant, administrées par voie intraveineuse pendant plusieurs jours pour réduire considérablement ou éliminer la douleur chronique du SDRC. Dans certains contextes cliniques, la kétamine s’est avérée utile dans le traitement de la douleur qui ne répond pas bien à d’autres traitements.
  • Thérapie par imagerie motrice graduée (GMI) : plusieurs études ont montré les bienfaits de la thérapie GMI pour la douleur de ce syndrome. Les gens font des exercices mentaux qui incluent l’identification des parties douloureuses du côté gauche et droit du corps tout en se regardant dans un miroir et en visualisant le déplacement de ces parties douloureuses sans les bouger réellement.
L’activité physique : thérapie non médicamenteuse

Commencer par un entretien motivationnel. Une technique indispensable pour prescrire le sport santé sur ordonnance et initier un changement de comportement.

Puis prescrire l’activité physique à but thérapeutique, véritable traitement, elle elle sera progressive et pérenne avec un suivi du médecin afin de conseiller le professeur APA et adapter le programme physique.

Les autres traitements

On peut s’aider de tout ce qu’il existe à notre disposition pour combattre cette algoneurodystrophie handicapant fortement le sportif et pouvant briser une carrière chez un sportif de haut niveau. La mésothérapie, l’acupuncture, l’homéopathie, l’oligothérapie, la phytothérapie, restent des moyens complémentaires utiles mais insuffisants en monothérapie.

Chez les sportifs de haut niveau, on peut également conseiller une prise en charge globale dans le cadre d’un centre de rééducation spécialisé pendant une durée de 3 semaines à un mois.

La prise en charge pluridisciplinaire et psychologique d’une douleur chronique

► Avertissement : la douleur chronique dans le cadre de l’évolution d’un syndrome de type SDRC1 est malheureusement une évolution peu favorable.

Elle s’adresse à tous les patients atteints de douleurs chroniques mais adaptée au SDRC1. Des associations dédiées à cette prise en charge peuvent vous aider.

Douleur chronique

► Source : Reconnaître le syndrome douloureux chronique, l’évaluer et orienter le patient (HAS, décembre 2008, PDF).

L’objectif de ces recommandations est de favoriser la mise en œuvre de parcours de soins adaptés pour les patients exprimant une douleur chronique et de favoriser les échanges d’informations entre les professionnels des structures spécialisées et ceux qui leur adressent des patients.

Les questions auxquelles répondent les recommandations sont les suivantes :

  • Comment identifier les patients présentant une douleur chronique ?
  • Quels patients orienter vers une structure spécialisée d’évaluation et de traitement de la douleur chronique ?
  • Quels éléments transmettre entre professionnels pour et à l’issue de la première évaluation en structure spécialisée ?
  • Quel contenu pour la première évaluation en structure spécialisée d’évaluation et de traitement de la douleur chronique ?
  • Quels critères décisionnels permettent d’orienter le patient à l’issue de cette première évaluation ?

Lire aussi :

  • La circulaire DGS/DH n° 94-3 relative à l’organisation de la prise en charge de la douleur chronique a défini pour les structures spécialisées quatre types d’activités.
  • La circulaire DGS/DH n° 98-47 relative à l’identification des structures de lutte contre la douleur chronique rebelle.

Conclusion

Tout sportif, quel que soit son traumatisme ou son niveau de pratique, peut présenter une algodystrophie ou SDRC1.

Le médecin joue un rôle essentiel dans le cadre du diagnostic précoce.

La prise en charge, même si elle est très bien codifiée, doit être rigoureuse, longue, mais toujours efficace. Il faut éviter de multiplier les examens inutiles, qui par leur caractère anxiogène, viendront compliquer l’évolution de l’algoneurodystrophie.

La guérison passe par un soutien psychologique et l’assurance que les thérapeutes connaissent bien cette maladie.

Dès que le diagnostic est évoqué, par la réalisation d’une scintigraphie osseuse ou un IRM, le traitement doit être instauré immédiatement.

Pour terminer, la meilleure prévention passe par une information du plan médico-sportif, et les repérages immédiats du profil du sportif blessé, dont son état antérieur psycho-émotif.

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