Cédric Vasseur, parcours et objectifs

Témoignage : Cédric Vasseur

"A partir du moment où l'on pratique un sport de façon régulière, il devient indispensable d'avoir un suivi médical renforcé."


A travers sa longue carrière sportive, Cédric Vasseur, originaire du Nord, a réalisé plusieurs tests médico-sportifs au sein de l’IRBMS.

Comment en es-tu venu au vélo ? Raconte nous tes débuts…

« J’ai grandi dans le milieu du cyclisme. Mon père était professionnel, avec un beau palmarès, une victoire d’étape au tour de France en 1970, victorieux des 4 jours de Dunkerque en 1969. Après quelques années de pratique de la course à pied (Champion des Flandres de cross UNSS) puis du tennis, je me suis donc naturellement rapproché du cyclisme. Cycliste Professionnel depuis 1994, j’ai toujours été licencié dans la région Nord/Pas-de-Calais: D’abord à Dunkerque (88 à 90), puis à Roubaix, je suis maintenant licencié à Isbergues depuis 1994 ».

A quoi ressemble ton entraînement

« Environ 3 à 5 heures de vélo tous les jours, avec une journée de repos tous les 15 jours, ça représente environ 35 000 Km par an. Je ne pratique pas de musculation. Non seulement parce que je n’aime pas, mais aussi parce que je préfère rester spécifique, surtout à mon âge, et respecter la coordination musculaire et respiratoire de ma discipline. Pour s’améliorer sur le vélo, il faut avant tout faire du vélo ! »

Et les étirements ?

« J’ai la chance d’être naturellement très souple, donc je n’ai pas besoin de grosses séances. J’en fais si j’ai un besoin spécifique, comme une période de fatigue, une récupération difficile, les jambes lourdes… Mais l’appréciation est vraiment individuelle. Certains cyclistes éprouvent un besoin de s’étirer beaucoup plus que moi. »

Ton entraînement respecte t-il un plan bien précis ?

« Les plans d’entraînement nous sont transmis en tenant compte des résultats des tests VO2max, et des tests de terrain (lactates). Mais ça ne représente qu’une base de travail, que j’adapte en fonction de mes envies, de la météo, de mon état de forme ou de fatigue, de mon ressenti. Ca ne doit pas être trop rigide, il faut se laisser des alternatives. »

Sur la trentaine de cyclistes de l’équipe, l’ambiance est bonne ?

« L’effectif est fractionné en groupes de 8, répartis sur les différentes compétitions. Donc finalement, on ne se voit pas beaucoup, on ne fait que se croiser. C’est d’ailleurs l’objet du stage d’entraînement (décembre/janvier), de regrouper tout le monde au même endroit pour renforcer l’esprit d’équipe. C’est la particularité du cyclisme, c’est un sport très individuel. »

D’autant plus que les coéquipiers d’aujourd’hui seront les adversaires de demain !

« Je garde de très bons contacts avec mes anciens coéquipiers. Mais les relations sont assez superficielles, ce qui explique la situation actuelle du cyclisme. On ne peut créer une véritable unité : les gens se croisent, et ne peuvent réellement s’attacher. On les côtoie 8 mois puis ils disparaissent. Les contrats d’embauches CDD sont de plus en plus courts. A long terme, c’est assez frustrant, et très superficiel. Finalement, le cyclisme est un sport individuel qui se pratique en groupe. »

Qu’est ce qui fait quitter une équipe, pas forcément parce qu’on n’a pas assuré son contrat et son rôle dans l’équipe ?

« Ça peut venir de l’employeur ou du coureur : De l’employeur s’il veut renouveler son effectif pour renforcer la cohésion du groupe. Du coureur s’il n’a plus envie d’évoluer dans la structure. Les motivations de départs sont multiples. Il peut s’agir d’aspirations personnelles, de propositions plus attrayantes ailleurs, ou de la capacité propre du coureur, sa socialisation dans l’équipe, indépendamment des résultats sportifs. De plus en plus de coureur viennent des pays de l’est et bradent les salaires. C’est de plus en plus difficile de trouver une équipe actuellement. L’âge idéal reste entre 25 et 28 ans. »

Depuis quand connais-tu l’Irbms ?

« Depuis mes premiers tests d’effort dans le cadre du Suivi Médical Longitudinal Contrôlé (SMLC). C’était en 1999, sous les couleurs du Crédit Agricole, avant de passer chez l’Us Postal. J’avais besoin de passer sur un plateau technique agréé comme celui de l’irbms pour valider ma licence élite.»

Que penses-tu du SMLC imposé par la Fédération Française ?

« C’est pour moi une nécessité. A partir du moment où l’on pratique un sport de façon régulière, il devient indispensable d’avoir un suivi médical renforcé, dans un but de préserver sa santé, déceler certaines maladies éventuelles, des dysfonctionnements de l’organisme à l’effort… Un tel suivi devrait être systématique, pas seulement dans le vélo, mais pour toutes les disciplines. Il devrait se généraliser à toutes les fédérations sportives C’est une obligation à partir d’un certain niveau de pratique et d’un certain âge, indépendamment du statut d’élite ou d’athlète de haut niveau. Même pour un sportif amateur, car certains d’entre eux ont un niveau de pratique suffisamment intense pour justifier un tel suivi médical spécifique. Et plus le sportif est âgé, plus il se justifie. Le fait de faire une échographie cardiaque couplée au test d’effort permet de faire un bon diagnostic de l’aptitude à la pratique sportive. La spécificité d’un tel suivi médical permet également d’évaluer et de connaître son niveau de performance. » Donc à t’entendre, le vélo est néfaste à la santé ? « Non, pas forcément, mais il peut le devenir, comme tous les sports, à partir d’un niveau de pratique trop intense. 35 000 Km/an peut laisser des traces, et occasionner des troubles plus ou moins graves. Pratiquer le vélo à haut niveau n’est pas forcément néfaste, mais justifie par contre une surveillance particulière. »

En complément du SMLC, quel est le suivi médical au sein de l’équipe ?

« Chez Quick Step, le plateau technique référent se situe en Belgique à Louvain. Au sein de l’équipe, trois médecins suivent les 30 cyclistes de la formation. On bénéficie d’une consultation toute les semaines par le médecin d’équipe, en général sur le lieu de compétition, consultation classique, ou orientée vers un problème particulier selon l’état de forme du cycliste. Quatre bilans sanguins obligatoires sont réalisés chaque année, auxquels se rajoutent éventuellement des investigations complémentaires selon l’état de santé, les symptômes (fatigue par exemple). »

Question diététique, as-tu un suivi particulier ?

« Le suivi est assuré par le médecin d’équipe. Il donne des conseils sur les menus. En fait le médecin d’équipe dépasse son rôle purement médical, et sait apprécier quantitativement et qualitativement le travail fourni, donne des conseils de prévention, sur les rythmes d’entraînement, la diététique, la récupération… Mais au fil des années, j’ai appris à me connaître, et j’ai mes habitudes d’hygiène de vie. »

A titre d’exemple, qu’as-tu comme boisson d’effort ?

« A l’entraînement, c’est moi-même qui les prépare en fonction de mes envies, à base de boissons énergétiques, ou de sirop de fruit. En compétition, les boissons d’effort sont préparées par les soigneurs, à base d’eau et de Malto-Dextrines ou de sirop. S’il fait chaud, il y a aussi tout simplement de l’eau. On nous propose aussi systématiquement une boisson de récupération dès la fin de course, une boisson sucrée avec un léger apport protéiné. Et ça représente quelle quantité ? « Tout dépend de la distance parcourue, des conditions météo. Mais sur un Tour de France, chaque étape, ça peut varier de 6 à 14 bidons (3 à 7 litres). »

Finalement, en plus du suivi sportif, médical, diététique… que manquerait-il au suivi des élites ?

« Dans le peloton, il manquerait peut être à certains cyclistes un suivi psychologique, orienté vers la gestion du stress, la préparation à l’effort, le travail de motivation, pour mieux gérer le stress des compétitions et éviter à certains de perdre une partie de leurs moyens à cause de ça. C’est à proposer selon le tempérament de chacun. Certains en ont vraiment besoin, d’autres pas. »

Quel est ton meilleur souvenir de ta saison 2005 ?

« Ma seconde place à Mandes, où je suis passé très proche d’une victoire d’étape au Tour de France.»

Et le pire ?

« Mon abandon au Championnat de France à Boulogne, à mi course, sur problème technique. En plus c’était dans ma Région. »

Tes objectifs pour 2006 ?

« Je vais courir pour le deux leaders de l’équipe : Tom BOONEN, Paolo BETTINI. Je rentre du Paris-Nice, et mes principaux objectifs sont le Tour de France, le Dauphiné Libéré, et le Tour d’Espagne. »

En 2004, tu as été victime d’une manipulation dans une affaire de dopage. Pas facile à gérer !

« Ça a été un moment difficile c’est vrai. Tout est parti d’une analyse capillaire trafiquée positive à la cocaïne, des procès verbaux trafiqués que je n’ai jamais signés… Pour moi, ce n’est pas du vélo, c’est des affaires parallèles que je ne mélange pas avec le cyclisme. C’est une expérience malheureuse de la vie. Ce qui me gène, ce n’est pas ce que les gens peuvent penser de moi, mais du regard des gens sur mes proches, car je n’avais rien à voir avec tout ça. Encore, si j’avais eu une quelconque implication, mais ce n’est pas le cas. Il faut replacer cette histoire dans le contexte. C’est intervenu après le décès de Pantani. En m’accusant de « consommateur de cocaïne« , c’est une façon de faire passer les cyclistes comme des drogués.»

Tout sportif peut être confronté au dopage un jour ou l’autre ?

« Oui, et quand un contrôle est positif, cela impose que le sportif paye, mais après avoir été écouté, compris, jugé. Mais actuellement on fait l’inverse, on crie d’abord au scandale sans même savoir si le sportif y a été mêlé. On ne leur donne pas de 2éme chance. On ne cherche pas à comprendre, mais avant tout à assassiner sans réfléchir. Mais dans l’histoire, c’est le sportif qui est sali (à vie), c’est l’équipe, la famille… A entendre certains médias, on a l’impression d’être des drogués, des pourris ! » Pourquoi parle t-on tant de dopage dans le cyclisme, par rapport aux autres sports ? Parce que c’est un sport très populaire ? « Peut être, mais c’est surtout parce qu’il n’y a pas d’unité dans la discipline. Contrairement à d’autres sports, il n’y a aucun verrou, tout se sait, alors que le problème de dopage existe dans toutes les disciplines.»

Quelle alternative ?

« En France, on confond dopage et accompagnement de la performance : rien est fait pour développer l’optimisation de la performance, telle que l’accès aux tests d’effort, leur interprétation, la diététique, les tests de terrain, le suivi biologique… La médecine du sport manque de formation et n’est pas assez spécifique dans la prise en charge. »

Et la vie de famille dans tout ça ?

« Concilier vélo et vie de famille est parfois difficile, mais ça fait parti des règles du jeu. Et puis, on n’est pas cycliste professionnel à vie, ça ne dure qu’un temps. Mais c’est vrai que ça peut être une cause de frustration, et devenir parfois pesant. »

Penses-tu à « l’après vélo » ?

« L’après vélo, je n’y pense pas trop. Ça peut étonner, mais ça veut dire aussi que je ne suis pas arrivé au bout. Je pense que je resterai dans le milieu cycliste, tout au moins le monde sportif. J’aurai du mal à m’en passer, comme d’être à l’écart du public. »

Quelle est ta formation ?

« Bac C, puis j’ai intégré HEI avec 2 années prépa (Mat Sup et Spé.) puis 1ére année d’ingénierie. »

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