Problèmes posés par la sortie de la réserve hospitalière de l’érythropoïétine en France


Communication de Monsieur Patrick MAGALOFF Directeur de la "Mission Médicale Sport et Santé" du CNOSF lors du 6ème Colloque de la Fondation Sport Santé, Paris Avril 2006. Préambule : L’E.P.O. fait partie de la classe S2 des hormones et substances apparentées qui figurent sur la liste des produits interdits chez le sportif.

Cette substance a beaucoup fait parler d’elle, et en particulier lors de l’affaire Festina en 1998.

L’E.P.O. faisait partie d’un large traffic, avec des réseaux d’approvisionnement plutôt clandestins. Il est inquiétant de constater qu’en France, aujourd’hui, l’E.P.O. pourra être plus facilement trouver en pharmacie ou grâce à un numéro Azur mis à disposition du public.

L’alerte établie par la Fondation Sport Santé est d’une grande importance car il ne faut pas oublier que la France, à l’origine du Combat Mondial contre le Dopage, n’a pas à devenir futur supermarché de l’E .P.O.

Communiqué Rappelons que cela concerne trois médicaments :

– ARANESP (darépoetin alfa) Laboratoires AMGEN
– EPREX (époetin alfa) Laboratoires JANSSEN-CILAG
– NEORECORMON (epoetin beta) Laboratoires ROCHE

Jamais délivrées en ville jusqu’au 26 mai 2005, ces trois spécialités ont quitté la réserve hospitalière à cette date.

Il existe des modalités spécifiques de distribution et d’approvisionnement pour ces spécialités qui ne peuvent qu’inquiéter, en particulier le mouvement sportif et toutes les instances en lutte contre le dopage et ses pourvoyeurs.

Dès le mois de juillet 2005, des informations relatives à une consommation anormale dans certaines régions et un exemple concret d’ordonnance d’exception mal remplie avec, qui plus est, une erreur de prescription (forme retard avec une posologie de forme simple) nous a fait réagir.

Nous constatons à l’époque que les trois laboratoires mènent une campagne de communication et d’information intense auprès des pharmaciens afin de leur permettre un approvisionnement le plus adéquat possible en respectant notamment la chaîne du froid absolument indispensable.

Leur campagne tend à banaliser le produit, le meilleur exemple étant ROCHE qui n’hésite pas à titrer : « la force retrouvée ! ». Nous nous étonnons aussi que la mention attirant l’attention du consommateur sur la positivité du médicament à un contrôle anti-dopage ne figure pas dans la notice incluse dans la boîte. Explication : ce médicament est régi par un texte européen n’exigeant pas cette mention, obligatoire en France.

Un contact avec un directeur régional d’un organisme répartiteur nous permet de savoir qu’en vertu de l’article R.5015-10 du Code de santé publique, les grossistes sont amenés à contrôler les ventes, et ce, plus particulièrement encore, sur des produits dits « sensibles ». Cela est, somme toute, rassurant.

Ce qui l’est moins, c’est que ces laboratoires cherchent à conserver la distribution de leurs produits en permettant aux pharmaciens de se procurer leurs références en passant commande à un N° AZUR.

Ce qui l’est moins encore, c’est que ROCHE prévoit de permettre au patient d’accéder légalement au N° AZUR afin de commander les références. Même si le produit transite par le pharmacien, est-il logique que l’initiative de commande soit laissée au malade ou à son entourage ?

Il est à noter, en effet, qu’en raison du respect obligatoire de la chaîne du froid, aucun produit ne peut être repris en cas d’erreur de commande ! Le pharmacien restera avec ses boites sur le bras avec toujours le risque de tentation de les écouler d’une façon ou d’une autre …

La délivrance de ces spécialités n’exige une ordonnance d’exception qu’à la première prescription avec un renouvellement chaque année. Le reste du temps, une ordonnance d’un médecin généraliste suffit. La profession de pharmacien comme celle de médecin généraliste n’est pas à l’abri de professionnels indélicats ou carrément mafieux. On ne peut occulter le risque de trafic.

Il faut savoir aussi que, depuis le début de l’année 2006, AMGEN a mis sur le marché un stylo auto-injecteur très simple d’emploi facilitant encore d’avantage l’utilisation de l’E.P.O.

Autre problème : ces trois médicaments notamment quand ils sont prescrits à des victimes de cancer en phase terminale sont, par définition, des médicaments de fin de vie. Cela veut dire, qu’au décès du malade, le pharmacien a de bonnes chances de voir revenir les boites d’érythropoïétine non utilisées comme les familles ont l’habitude de le faire afin d’aider Cyclamed par exemple. Les frigos des officines vont se remplir de ces boites, c’est déjà le cas, et le risque existe que des pharmaciens indélicats soient tentés de les écouler en dehors de toute prescription médicale.

Il semble vraiment nécessaire de mettre en place des cellules de veille réunissant les grossistes, les ordres de médecins et pharmaciens, les douanes, les ministères concernés (intérieur, sport, santé), la future AFLD afin de suivre les flux, leur importance et l’identité des intermédiaires et des destinataires.

Est-il nécessaire de rappeler que l’E.P.O. est une molécule majeure comme produit dopant. Elle n’intéresse pas seulement les sports d’endurance, mais tous les sports à partir du moment où, entraînant une meilleure récupération, elle permet d’encaisser une plus grande durée d’entraînement. Si l’athlète s’entraîne plus sans fatigue, il a de bonnes chances d’améliorer ses performances, et cela, quel que soit son sport.

Chacun sait que la dose dopante pour l’E.P.O. est 5 à 10 fois la dose thérapeutique. Le problème posé ci-dessus montre que le milieu sportif dans son ensemble et, pas seulement les professionnels, vont avoir accès à ces molécules.

L’utilisation de ces molécules entraîne des risques pour la santé importants, (risques cardio-vasculaires, thromboses, etc…). Se trouve posé un véritable problème de santé publique.

Il est nécessaire que les instances compétentes s’approprient ce dossier. Il est aussi de la responsabilité de toutes les parties prenantes d’informer les utilisateurs potentiels, licites ou illicites, et les fournisseurs quel que soit leur niveau dans la chaîne de distribution, de ces molécules, de leur responsabilité par rapport à ce problème.

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