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Conduites à tenir devant une rupture de la coiffe des rotateurs

Cette pathologie est complexe et justifie d’y prêter attention par une parfaite connaissance mécanique et anatomique et par une parfaite inter relation des différents intervenants.

Le Diagnostic clinique

Le diagnostic clinique s’appuie sur des connaissances anatomiques et biomécaniques.

On recherche :

L’Examen clinique

L’examen clinique comporte un examen du rachis cervical à la recherche d’une asymétrie, d’une atrophie musculaire du trapèze. L’analyse musculaire du dentelé par le décollement de l’omoplate des fosses sus et sous-épineuse ainsi que le relief du deltoïde nous renseignera sur l’ancienneté des lésions.

Les mensurations

Les mensurations actives et passives comporteront l’élévation antérieure, l’abduction, la rotation externe coude au corps et à 90° R.E. 2, la rotation interne pouce dans le dos. Le cross body arm (distance entre le pli du coude et l’articulation acromio claviculaire opposée) sera précisément noté.

La Palpation

La palpation débutera par le rachis cervical, l’articulation acromio claviculaire, l’espace sous-acromial antérieur et postérieur, la gouttière bicipitale. Les tests de conflit sous-acromial seront réalisés successivement : manœuvre de Neer, manœuvre de Hawkins, manœuvre de Yocum. Des manœuvres plus spécifiques comme la manœuvre de Jobe testent le sus-épineux, le Palm’Up Test le tendon du biceps, et le Lift Off Test de Gerber à la recherche d’une lésion du sous-scapulaire.

Le Testing musculaire

Le testing musculaire appréciera la faiblesse de la rotation interne ou externe et surtout en position de Jobe et sera quantifié à l’aide d’un Isobex. La lésion du sous-scapulaire peut entraîner une subluxation du tendon de la longue portion du biceps qui sera recherchée par une impression de ressaut, de douleur intense en rotation interne contrariée, de Palm’Up Test très positif, la manœuvre d’adduction croisée (cross body arm) à la recherche d’une pathologie acromio-claviculaire.

Les Tests de laxité

Les tests de laxité seront recherchés : Sulcus Test traction vers le bas, la manœuvre de « l’armer » et le Relocation Test pour mettre en évidence une instabilité antérieure, et le mouvement de tiroir antérieur et postérieur. L’hyperlaxité sera recherchée par une hyper rotation externe à plus de 85°.

Fiche de Constant

L’examen sera codifié selon la fiche de Constant pour un total de 100 points :

  • 15 points pour la douleur
  • 20 points pour l’activité,
  • 40 points pour la mobilité
  • 25 points pour la force.

Imagerie

La radiographie (face, rotation interne, rotation externe, sous-acromiale de Lamy et acromio-claviculaire) recherchera des signes acromio claviculaires, une condensation du trochiter, de la face inférieure de l’acromion, un bec acromial (classification de Bigliani : stade 1 plat, stade 2 courbe, stade 3 en crochet), à la recherche d’une fracture non déplacée du trochiter, une incidence plus spécifique de Lamy en profil sous-acromial enfilant l’omoplate à la recherche de calcifications et en profil de Bernageau à la recherche de lésions osseuses du bord antérieur de la glène quand celui-ci n’est pas trop douloureux. Une déminéralisation diffuse évoquera une algoneurodystrophie. Enfin, une échographie peut donner une première idée de la coiffe des rotateurs.

Les Traumatismes

Au décours de cet examen on pourra placer
le patient dans une des 5 catégories suivantes :
  1. traumatismes récents
  2. traumatismes anciens
  3. micro traumatismes
  4. dégénératif (souvent chez un sportif plus âgé)
  5. capsulite rétractile

1/ Traumatismes récents

L’impotence fonctionnelle est notable et les douleurs sont majeures (épaule pseudo paralytique).

L’examen clinique et la radiographie sont évocateurs d’une lésion isolée de la coiffe des rotateurs, l’impotence fonctionnelle est notable et les douleurs sont importantes.

Une immobilisation simple est mise en place par manchon de Dujarrier qui sera enlevé très régulièrement pour des mouvements symétriques et pendulaires, également des mouvements actifs aidés, allongé sur le dos, d’élévation antérieure et de rotation externe ou de rotation interne. Ces mouvements doivent être symétriques afin d’éviter la latéralisation du rachis cervical. Ils doivent éviter la survenue d’une raideur articulaire et l’amyotrophie. A ce stade, les traitements médicaux prennent toute leur importance, antalgiques, anti inflammatoires, décontracturants musculaires. En cas de persistance de douleurs aigües, 1 ou 2 infiltrations sous-acromiales de corticoïdes sont autorisées.

La période aigüe étant passée, l’épaule étant redevenue assez souple, un arthroscanner peut être demandé. Il confirmera ou infirmera la rupture. Une I.R.M.N. peut remplacer l’arthroscanner en se méfiant toutefois des images trompeuses d’œdème de la coiffe qui peuvent être prises pour une rupture transfixiante.

Des lésions associées peuvent être mises en évidence par ces examens :

2/ Traumatismes anciens

Traumatismes anciens auxquels peut s’apparenter un traumatisme minime récent sur un traumatisme ancien.

Si l’impotence fonctionnelle est majeure avec inefficacité des gestes actifs, limitation de l’élèvation antérieure mais rotation externe diminuée mais possible, il s’agit d’une épaule enraidie simple.

On recherchera l’atrophie musculaire du dentelé, le décollement de l’omoplate et le relief du deltoïde qui souvent est compensateur. On analysera la faiblesse du geste sportif et sa compensation par les rotations du rachis cervical dorso-lombaire. S’y associe souvent une dégradation de l’état du rachis cervical et des douleurs angulaires de l’omoplate. Ce tableau fera rechercher sur l’arthroscanner non seulement le calibre de la rupture, mais surtout la qualité du muscle par la recherche du grade d’atrophie graisseuse bien visible et répertoriée selon la classification de Goutalier.  Quelquefois, l’impotence fonctionnelle est plus modérée, le patient a continué son activité sportive mais l’atrophie d’une fosse sus-épineuse ou un décollement de l’omoplate ne trompent pas et le diagnostic sera confirmé par l’arthroscanner.

3/ Micro traumatismes

Micro traumatismes dus à une répétition de gestes et aux chocs répétitifs.

Il faut en premier lieu éliminer une pathologie neuro musculaire par la réalisation d’un électromyogramme, si une atteinte du nerf sus-scapulaire est suspectée.  Il s’agit souvent de patients présentant une hyperlaxité primitive ou qui est secondaire à un geste de « l’armer » répétitif et permet ainsi un conflit postérieur et supérieur de Walch qui est le contact entre la partie profonde du sus-épineux et le rebord postérieur de la glène. Ceci est mis en évidence lors d’un examen clinique souvent peu spécifique dans le cas d’une épaule douloureuse qui peut être instable, ou par des signes plus spécifiques au testing du Relocation Test associés à une manœuvre de Jobe positive.

Les calcifications des tendons de la coiffe des rotateurs ou tendinite calcifiante peuvent se présenter sous 2 formes :

4/ L’épaule dégénérative

L’épaule dégénérative ancienne chez un sportif plus âgé, due aux mouvements répétitifs, à des anomalies morphologiques osseuses (acromion agressif) ou bien séquelles de traumatisme avec arthrose acromio claviculaire et ostéophytes secondaires, enfin os acromial.

Tableau à part : la rupture du long biceps donnant une impression de biceps à la « Popeye » témoin d’une lésion ancienne et d’une rupture spontanée de la longue portion du biceps souvent associée à une diminution très nette des douleurs.
Il peut s’agir également de patients n’ayant jamais eu de traumatisme mais ayant eu plusieurs épisodes douloureux et d’impotence fonctionnelle ayant parfaitement réagi au traitement médical et local infiltratif. Tous les tableaux sont possibles, de la tendinite sans rupture à la rupture transfixiante ou à la très large rupture avec compensation efficace du deltoïde et du sous-scapulaire. Dans ces cas, la fosse sus et sous-épineuse sont atrophiées, le deltoïde a un relief musculaire très important et l’élèvation antérieure active n’est possible que par recentrage de la tête dans le fond de la glène.

5/ Capsulite rétractile

Pathologie très invalidante, douleurs diurnes majeures, insomnies et épaule pseudo paralytique qui évoluera spontanément sur un délai très long, entre 8 à 24 mois. S’y associe souvent une déminéralisation osseuse et un contexte psychologique favorisant. Cette raideur inclut non seulement la limitation de l’élévation antérieure mais surtout un défaut majeur de rotation externe témoin de la rétraction capsulaire antérieure de l’épaule.

Chaque tableau clinique apporte sa conduite à tenir (C.A.T.).

Quel que soit le tableau, le patient doit bénéficier d’une rééducation avec le masseur kinésithérapeute et d’une auto rééducation qu’il fera de manière très régulière à domicile en se prenant en charge lui-même. Celle-ci a pour but d’assouplir l’épaule au maximum et d’éviter l’atrophie musculaire. Cette rééducation est un préalable obligatoire à toute intervention chirurgicale car toute intervention sur une épaule raide risque d’aboutir malheureusement à une algoneurodystrophie et à une rééducation fastidieuse, douloureuse et très longue.

C.A.T. en cas de rupture récente :

Après l’assouplissement, la phase douloureuse aigüe étant passée, l’arthroscanner confirme la lésion de rupture transfixiante. Une intervention chirurgicale est donc prévue qui pourra se faire soit arthroscopiquement, soit aidée arthroscopiquement (Mini Open) soit en chirurgie ouverte.

Ce type de réinsertion peut se faire par des points transosseux par des implants métalliques plantés dans la partie haute du trochiter, ou par un implant métallique appuyé sur la corticale externe plus solide. Les 3 semaines suivant l’hospitalisation d’une durée de 1 à 4 jours seront suivies par une reprise de la rééducation passive et active aidée immédiate que le patient connaît parfaitement. L’écharpe à type de manchon est portée pour 3 semaines, mais sera enlevée très régulièrement dans la journée pour son auto rééducation et au rythme de 3 fois par semaine chez le masseur kinésithérapeute. Le manchon sera enlevé définitivement à la 3ème semaine pour la poursuite de la rééducation active aidée jusqu’à la 4ème/6ème semaine. La rééducation active ne débutera que quand les amplitudes auront été retrouvées pratiquement complètement.

Dans cette phase initiale, le patient doit assumer une rééducation identique à celle qui a été réalisée en pré opératoire pour qu’à la consultation de la 6ème semaine, si l’évolution est favorable, la rééducation plus active et dynamique puisse être autorisée. La mise en tension de la suture ne peut pas être réalisée avant le 2ème mois ½ à 3 mois. On autorisera successivement des mouvements actifs simples concentriques et excentriques, allongé sur le dos, avec un poids de 1 kg. Le patient pourra exercer une rééducation en station debout lorsque cela ne sera pas douloureux et en débutant par un travail actif aidé. Un travail musculaire peut être débuté rapidement sur les stabilisateurs de l’épaule (mouvements de rameur en dessous de l’horizontale).

Des mouvements de haussement d’épaule en avant et en arrière permettront de solliciter les trapèzes symétriquement. La rééducation en piscine est souhaitable mais il ne faut pas chercher à nager avant le 2ème mois ; seuls des mouvements de barbotage et de circonvolution seront réalisés dans l’eau, immergé jusqu’à la région cervicale. Une musculation spécifique du deltoïde sera réalisée à l’aide de poulie thérapie et d’élastique et les abaisseurs de l’épaule, grand pectoral et grand dorsal, seront réalisés par des mouvements de surélèvation.

Le travail dynamique sera au mieux réalisé contre une résistance élastique en rotation interne et rotation externe. Une musculation par des mouvements de « pompes », sera suivie par une rééducation proprioceptive contre la main du masseur kinésithérapeute, puis lancé de medicin ball ou d’appui sur un ballon ou sur le mur et récupération de chute contre un mur ou un trempoling. Cette phase de renforcement musculaire intensive et proprioceptive sera surtout débloquée après le 3ème mois pour permettre une reprise d’activité sportive à la fin du 4ème mois.

En cas de rupture partielle de la face superficielle ou profonde, en fonction de l’épaisseur atteinte, elle sera soit considérée comme une rupture complète si elle dépasse 50% de l’épaisseur, soit fera bénéficier en cas d’acromion agressif d’une acromioplastie suivie d’une rééducation passive et active aidée pendant 4 à 6 semaines, rééducation dynamique après le 2ème mois. Soit il n’existe aucune rupture et il s’agit simplement d’une hyper utilisation : le traitement médical sera poursuivi ou une acromioplastie sera réalisée en cas d’échec du traitement médical.

Les lésions associées seront traitées. Les Slap Lésions justifieront d’une réinsertion sous arthroscopie, les pathologies du bourrelet d’une résection arthroscopique simple. Les luxations récidivantes associées à une coiffe des rotateurs, fréquentes après 40 ans, justifieront d’un traitement par butée osseuse ou intervention de Bankart associée à une réparation de la coiffe des rotateurs. Les tendinites du biceps justifieront soit d’une ténodèse dans la gouttière si la lésion est majeure, soit d’une régularisation sous arthroscopie en cas d’anomalie minime.

Dans les cas de lésion du sous-scapulaire, la réinsertion de celui-ci est primordiale par une exploration antérieure de l’articulation. Elle doit permettre de vérifier également la bonne position de la longue portion du biceps et éventuellement sa ténodèse à l’entrée de la gouttière chez un sportif.

C.A.T. en cas de traumatismes anciens :

L’auto rééducation et la rééducation chez le masseur kinésithérapeute sont bien sûr effectuées en même temps que le traitement médical, éventuellement associées à une infiltration en cas de période très douloureuse. Ce n’est que devant la non récupération de l’état antérieur ou l’aggravation de cet état qu’une intervention chirurgicale peut être envisagée avec les mêmes principes que précédemment.

Toutefois la qualité musculaire des tendons réinsérés (sus-épineux, sous-scapulaire) est primordiale pour le pronostic de cette épaule. En cas de dégénérescence grade 2, les risques de rupture itérative sont beaucoup plus importants. L’activité sportive sera peut-être donc modifiée chez ces patients, passage d’un sport de main à un sport de membre inférieur par exemple et la reprise de la rééducation active et dynamique sera un peu retardée.

C.A.T. devant une épaule micro-traumatique :

En cas de rupture de plus de 50% de l’épaisseur, il faut considérer cette rupture comme complète et la réinsérer selon le principe de la chirurgie de la coiffe des rotateurs. Y sera associée une plicature capsulaire antérieure selon la technique de Bankart afin d’éviter l’hyperlaxité antérieure à l’origine du conflit postérieur. Des ostéotomies de dérotation ont été réalisées mais avec des résultats qui ne sont pas toujours probants.

C.A.T. devant une coiffe dégénérative :

Si le patient garde une bonne fonction et a une élèvation active et peut réaliser son geste sportif habituel, il ne faut surtout pas l’immobiliser afin d’éviter l’amyotrophie. Il ne faut surtout pas réaliser d’intervention chirurgicale pour ne pas décompenser l’équilibre tendino-musculaire qu’il a pu conserver.

En cas de douleur très spécifique, il s’agit souvent d’une lésion du tendon du biceps. Dans ce cas, une section simple de la longue portion du biceps, ou sa ténodèse, peut être réalisée sous arthroscopie. La résection acromiale ou la résection d’un ostéophyte acromio-claviculaire est toujours possible mais il peut être à l’origine d’une perte de capacité fonctionnelle. Il faut donc être très prudent sur l’indication opératoire lorsque les patients ont une rupture de longue date qu’ils ont parfaitement compensée.

En cas de rupture importante sur une coiffe dégénérative, les seules possibilités sont les réinsertions de coiffe massives par décollement de la totalité de la coiffe des rotateurs, avancement du sous-épineux et surélèvation du sous-scapulaire.  Dans un cas où seul l’effet antalgique est recherché, et en cas de bon muscle deltoïde, un lambeau deltoïdien est toujours possible. Il est évident que les capacités sportives du patient seront largement diminuées.

C.A.T. devant une capsulite rétractile :

La rééducation se fera de manière très douce et progressive sans être agressive. La non douleur est de mise et les adjuvants médicaux et infiltratifs seront réalisés à la demande. Il faut se garder d’envisager une intervention chirurgicale trop rapidement qui pourrait aggraver la situation. Les risques d’algoneurodystrophie sont majeurs à ce niveau. Ils seront recherchés par les signes habituels.

Conclusion

Il faut donc insister sur la parfaite tolérance des lésions de la coiffe des rotateurs qui ont un effet bénéfique chez certains, mais qui au contraire masquent pendant de nombreuses années une atrophie progressive et des lésions qui seront très difficiles à récupérer ultérieurement. Chaque patient est particulier, pratiquant un sport différent chez un droitier et un gaucher, chez un sportif individuel ou un sport d’équipe. Il faut donc adapter à chacun le meilleur traitement en insistant beaucoup sur la phase de rééducation pré opératoire et les séquences de rééducation post opératoire à respecter. Le traitement médical sera toujours préféré initialement.

Le traitement infiltratif nous aidera souvent pour les périodes hyperalgiques mais ne sera pas répété trop souvent afin d’éviter la dégradation tendineuse.

La conduite à tenir devant une rupture de la coiffe des rotateurs est un travail d’équipe. Il se passe entre le patient qui doit être coopérant, le médecin sportif qui doit apprécier la bonne évolution ou au contraire l’aggravation d’un état et en référer au kinésithérapeute ou au chirurgien. Le kinésithérapeute aura appris les techniques spécifiques de rééducation pour cette pathologie et le chirurgien essaiera de n’opérer que les patients qui en ont réellement besoin pour des problèmes fonctionnels ou douloureux, ou pour des problèmes de prérogatives sportives. La terminologie de PASH est à éviter.

Il vaut mieux envisager des termes plus précis pour avoir un traitement plus précis : rutpure transfixiante, tendinite calcifiante, conflit postérieur et supérieur, Slap Lésion, instabilité ou bien épaule enraidissante ou capsulite rétractile. La parfaite tolérance des lésions de la coiffe des rotateurs nous interpelle souvent car si l’on peut obtenir de très bons résultats chirurgicalement, on peut aussi quelquefois obtenir des dégradations de l’état antérieur.

Cette pathologie est donc complexe et justifie d’y prêter attention par une parfaite connaissance mécanique et anatomique et par une parfaite inter relation des différents intervenants.